Une femme marche de long en large. Tout à coup, elle s’arrête et crie.
« Il faut que je parle ! Je deviens folle ! Je n’en peux plus !!
Elle n’a pas été dure, cette guerre. Rapide, oui, mais pas dure. Meurtrière, ah, ça, oui, mais pas dure. Deux, trois jours, pas plus. Moi, j’étais à l’abri … dans l’abri. Quand le bruit s’est arrêté, j’ai attendu un peu, jusqu’au lendemain, et je suis sortie tout doucement, très lentement, avec précautions.
Alors là, c’était impressionnant ! Plus un immeuble, plus rien au-dessus de vingt centimètres, à perte de vue, juste un horizon légèrement fumant et brumeux, et surtout pas un bruit, pas de vent, pas un mouvement, comme dans mon abri.
Les premiers jours, je ne m’éloignais pas trop, je revenais toujours le soir. Après, je me suis enhardie, je prenais des provisions et je me lançais dans des incursions de plusieurs jours, je suis même partie plus d’une semaine, une fois. A chaque fois dans une direction différente, mais rien à faire, pas âme qui vive. Des gravats, oui, des bouts de poutrelles aux formes bizarres, tordus comme des trombones, et toujours cette brume qui filtre du sol, mais pas un bruit, rien.
Ca fait longtemps, tout ça, et je sais bien que je suis seule à jamais. Mon abri contient encore de la nourriture, mais j’aimerais mieux mourir, disparaître… comme tous les autres. J’en ai assez de parler à ce vide ! Ce vide !! CE VIDE !!! »
On entend un bruit derrière – Elle se retourne – Entre une infirmière
« Faut pas crier comme ça, madame Thomas… Alors, comment ça va, ce matin ? Tenez, voila vos pilules »